Le syndrome de burn-out, à la frontière entre le travail et la clinique…

Voici la définition faite par le Conseil Supérieur de la Santé Belge (cf. burnout belgium.be). Je la trouve claire, donc je vous la restitue telle quelle.

Le Burnout est :

  • un processus multifactoriel;
  • qui résulte de l’exposition prolongée (plus de 6 mois);
  • en situation de travail;
  • à un stress persistant, à un manque de réciprocité entre l’investissement (exigences du travail, demande) et ce qui est reçu en retour (ressources), ou un déséquilibre entre des attentes et la réalité du travail vécue;
  • qui provoque un épuisement professionnel (à la fois émotionnel, physique et psychique) : fatigue extrême que les temps de repos habituels ne suffisent plus à soulager et qui devient chronique, sentiment d’être totalement vidé de ses ressources. Cet épuisement peut aussi avoir un impact sur le contrôle de ses émotions (irritabilité, colère, pleurs …) et de ses cognitions (attention, mémoire, concentration), et peut à son tour provoquer des changements dans les comportements et les attitudes :
    • Une distanciation mentale : la personne se détache et devient cynique. Il s’agirait en fait d’une mesure d’adaptation (inefficace) face aux exigences auxquelles la personne ne sait plus faire face : progressivement, elle se désengage de son travail, diminue son investissement et met son entourage à distance, voire développe des conceptions péjoratives à propos des personnes avec qui elle travaille ; mais cette distance forme alors elle-même un problème.
    • Ce qui résulte en un sentiment d’inefficacité professionnelle : diminution de l’accomplissement personnel au travail, dévalorisation de soi, la personne ne se sent plus efficace dans son travail.

Ce qui le caractérise, c’est bien cette association d’épuisement émotionnel, mental et physique. Comme la personne est épuisée, elle n’a plus les ressources pour faire face aux stresseurs1. C’est un cercle vicieux, comme elle n’a plus assez de ressources, tout devient source de stress pour elle, etc.

On parlera d’ailleurs de burn-out lorsqu’il y a décompensation2. Celle-ci est souvent violente :  un patient qui, un matin, n’arrive plus à se lever…un corps qui « lâche » (fractures, douleurs au dos invalidantes, troubles musculo-squelettique, etc.) …un accident de voiture.

Car le « vrai » état de burn-out a des conséquences désastreuses sur la personne qui en souffre :

  • troubles physiques (C’est douloureux une hernie discale !)
  • troubles cognitifs (mémoire défaillante, attention très très flottante, désorganisation, …)
  • troubles du sommeil (endormissement difficile, réveils nocturnes liés à une hyperactivité mentale)
  • troubles psychologiques (dépersonnalisation2, instabilité émotionnelle et de l’humeur, …)
  • un état qui pourrait s’apparenter à un stress post-traumatique (impossibilité de croiser un collègue sans pleurer, impossibilité de passer devant le lieu de travail ou la ville où se trouve le lieu de travail…)
  • invalidité professionnelle
  • tentative de suicide impulsive et imprévisible

Ce sont ceux dont on parle dans les médias. Nous parlons alors de personnes qui sont en arrêt pendant 1, 2, 3 ans.

L’idéal, c’est bien sûr d’intervenir avant cette décompensation, lorsque la personne est en pré-burnout. Cette frontière si mince où nous sommes déjà épuisés, mais nous avons encore quelques ressources.

La perte de sens…quand le burn-out devient dépression.

Rappelons-le, l’épuisement professionnel n’est pas la dépression. Lorsque les facteurs de stress qui provoquent le burn-out prennent fin, la personne atteinte d’épuisement professionnel va se remettre, tandis que le dépressif ne remontera pas la pente aussi facilement.

Le burn-out peut entrainer une dépression quand il se généralise et affecte profondément sa vie non-professionnelle ou que les autres domaines de vie dysfonctionnent (problèmes dans le couple, manque de soutien social, etc.).

Une personne dépressive peut être « à bout » au travail et se sentir fatiguée émotionnellement par ce qui est lié au professionnel, mais ce n’est qu’un aspect de ses symptômes. Burn-out et dépression sont donc deux choses différentes qui n’ont pas les mêmes prises en charge, mais peuvent parfois être corrélées.

Burn-out : la maladie des personnes efficaces

Les personnes qui s’engagent, pour lesquelles des bons résultats sont importants, très consciencieuses dans leurs activités, loyales, perfectionnistes, sont particulièrement menacées. La fréquence d’apparition est plus importante dans certains secteurs professionnels (comme par ex. personnels soignants, dirigeants, enseignants, entrepreneurs, assistants sociaux, médecins, etc.).

C’est d’ailleurs pour cela que l’entourage peut se sentir parfois démuni : il voit l’ami-conjoint – parent s’épuiser, mais son investissement est tel, qu’il ne « lâche » pas. Ça ne se fait pas !

C’est donc le syndrome des « forts » sur lesquels on a tellement l’habitude de s’appuyer. Certes, il y a une personnalité à questionner, mais il y a aussi l’attitude des autres à changer. On voit la personne s’épuiser, mais on sait aussi qu’elle acceptera les heures supplémentaires, de compenser les manques du collègue, de répondre à quelques questions pendant les congés, de rendre service dans un planning déjà surchargé…pas facile de perdre l’habitude de demander à celle qui dit tout le temps oui, qui est fiable.

Alors…que faire ?

Ce syndrome nécessite une prise en charge pluridisciplinaire.

Le médecin généraliste :

Si vous commencez par consulter un psychologue, celui-ci vous demandera automatiquement d’aller voir votre médecin généraliste.

En effet, certains symptômes du burn-out peuvent se confondre avec d’autres maladies ou troubles. C’est d’ailleurs pour cela que l’on parle de syndrome, il n’a pas de diagnostic médical officiel.

La symptomatologie s’inscrit à la fois dans le trouble dépressif, le trouble anxieux, le trouble de l’adaptation. Il faut également écarter les pathologies organiques telles que les troubles endocriniens, neurologiques, oncologiques, du sommeil, etc., qui présentent des symptômes semblables.

Bref, ce n’est pas un diagnostic qui se pose à la légère et par n’importe qui. On ne souffre pas tous de burn-out (même s’il y a un vrai problème au travail qui doit être traité) comme toute personne manipulatrice n’est pas forcément perverse narcissique !

De plus, il est indispensable pour la personne en plein burn-out de faire une pause dans son travail, tandis que la personne souffrant d’un trouble dépressif, par exemple, n’en a pas forcément besoin car son état psychologique n’est pas strictement lié au travail.

Le médecin pourra donc préconiser un arrêt maladie, ce qui n’est pas chose facile à accepter pour notre patient si fiable.

D’ailleurs j’aimerais ici battre quelques idées reçues :

  • Mon expérience avec mes patients montre qu’il est impossible de rester en arrêt plus que de raison. Quand ils sentent qu’ils peuvent retourner au travail, les arguments conjoints du médecin généraliste, médecin du travail et du psychologue ne pèsent rien ! Le patient veut retourner au travail et puis c’est tout !
  • Plus vite l’arrêt de travail est accepté, moins longtemps il dure ! Je m’explique : souvent, le premier arrêt est de 8 ou 15 jours (souvent un souhait du patient plein de culpabilité), c’est insuffisant quand on est épuisé, surtout quand on ne « relâche » pas la pression puisque déjà en train d’anticiper le retour au travail.
  • Votre médecin ne vous prendra pas pour un « tir au flanc ». N’oubliez pas, son métier c’est de prendre soin de vous et de votre santé.

Enfin, c’est lui, conjointement avec le médecin du travail, qui préparera votre retour au travail, le plus en douceur possible.

Le médecin du travail

Il pourra aider le salarié ou agent (selon son statut) sur plusieurs points :

  • alerter l’entreprise quand il constate certains comportements managériaux (ou entre collègues) délétères ;
  • accompagner le patient dans son retour à l’emploi (adaptation du poste, accompagnement des équipes managériales, modalités de retour : temps partiel, plein temps, matin, soir, sur 3 jours, …).

Un retour à l’emploi se prépare.

Le psychologue du travail

L’accompagnement se déroule souvent en plusieurs étapes.

Les premières séances seront consacrées à :

  •  la compréhension de ce syndrome, plus on en comprend le fonctionnement, plus on sait comment le combattre ;
  • à son acceptation. Par acceptation, il est entendu « admettre un état ». Il ne s’agit pas ici de se résigner, mais de faire avec cette réalité. Comme je le disais plus haut, plus vite il est accepté, plus vite il sera soigné ;
  • à la remise en forme physique. Tous les moyens sont bons pour se remettre en forme : activité physique, massages, alimentation…bref le psy se transforme en coach pour quelques temps ;
  • une écoute attentive. Comme dit plus haut, parfois, les symptômes s’apparentent à un stress post-traumatique, c’est le temps de l’apaisement avant le travail de reconstruction.

Les séances suivantes auront pour but de comprendre comment cet état a pu se mettre en place :

  • Comment fonctionne mon environnement professionnel (mes collègues, mes managers, …) ?
  • Comment je fonctionne (suis-je trop perfectionniste ? sais-je dire non ? …) ?
  • Comment j’interagis avec cet environnement professionnel ?

Cela permettra d’identifier quels sont les besoins du patient pour aller vers les solutions :

  • Est-ce que je veux conserver mon emploi dans cette entreprise ? : je dois alors apprendre à faire avec cet environnement.
  • Est-ce que je veux conserver mon emploi mais dans une autre entreprise ? : quelles « leçons » pour ne plus se retrouver dans cette situation ? Trouver le bon rythme et la bonne « méthode » pour ce changement en venir
  • Est-ce que je veux changer de métier ? : je dois alors accepter de prendre le temps nécessaire pour ne pas m’épuiser à nouveau ou me mettre en difficulté matérielle. Une reconversion professionnelle est énergivore et entraîne des conséquences matérielles et familiales, cela se construit dans le temps.

Lorsque les solutions se dessinent, le retour au travail peut s’envisager même si l’accompagnement thérapeutique n’est pas terminé.

Au niveau psychologique, le travail tournera principalement autour :

  • de l’affirmation de soi (et donc de l’estime de soi et de la confiance en soi) ;
  • des valeurs. Rien de mieux que de s’appuyer sur nos valeurs pour savoir dire « non » ou « oui mais ». De plus, parfois ce sont nos valeurs qui nous amènent à cet épuisement. Lorsque la loyauté, l’engagement, l’altruisme, la fiabilité, la force, la responsabilité, la solidarité, le travail font partis de nos valeurs les plus importantes, alors elles nous guideront, au risque de mettre notre santé en danger. Il faut alors revoir leur périmètre pour avoir un juste équilibre entre santé mentale et valeurs ;
  • du perfectionnisme. Là aussi, il ne s’agira pas de remettre en question le perfectionnisme, mais plutôt de sortir du biais de « tout ou rien ». Ce n’est pas parce que ce n’est pas parfait que cela devient nul. Il y a tellement de nuances entre les deux.

C’est pour cela que je parle de frontière entre le travail et la clinique. En effet, lorsque l’on accompagne une personne qui souffre du syndrome de burn-out, l’accompagnement thérapeutique consiste en des allers-retours permanents entre la psychologie du travail (c’est-à-dire l’individu qui doit traiter avec le groupe qui compose son environnement professionnel) et la psychologie clinique (c’est-à-dire les symptômes psychologiques qui doivent être soignés). Le syndrome de burn-out est violent pour celui qui en souffre et pour son entourage. Contrairement à ce que dit la citation, dans le burn-out ce n’est pas le chemin (il faudra l’oublier) qui compte, mais la destination. En effet, lorsqu’on se relève d’un burn-out (et on s’en relève), on en ressort plus fort et plus serein.

Notes :

1 si vous avez envie d’en découvrir plus sur les mécanismes du stress, c’est ici

2 décompensation : rupture de l’équilibre que l’organisme avait trouvé pendant une certaine période pour faire face à une maladie ou à un trouble psychique.

3 dépersonnalisation : Perte, par un sujet, du sentiment de sa propre réalité physique et mentale.